L’intelligence artificielle va restreindre le nombre d’emplois. Une nouvelle société où l’emploi n’est plus la norme peut émerger…

Plusieurs gouvernements à travers le monde testent le concept de revenu minimum universel, en lançant de nombreux projets pilotes. Des expériences sont ainsi en cours à Glasgow en Écosse, en Ontario, une province du Canada, en Finlande, au Kenya, en Ouganda, en Inde, en France aussi.
Cette vision sociétale qui voudrait que chacun puisse bénéficier d’un revenu minimum de subsistance – vision qualifiée par certains de gauchisante – gagne de plus en plus de soutien. Jusque dans les cercles conservateurs et libertariens ; au point que de grands chefs d’entreprise américains tels Elon Musk, Bill Gates ou encore Mark Zuckerberg en fassent l’apologie dans leurs fameuses “keynotes”.

Ce que l’on ne dit pas, c’est que cette idée est d’origine libérale. Lancée par Thomas More dans son Utopie au XVIe siècle, relayée par Milton Friedman et Friedrich Hayek dans les années 60 – chantres du libéralisme s’il en est – qui voient dans ce concept une manière de pallier aux déficiences des bureaucraties.

Or, aujourd’hui, le revenu minimum n’est plus uniquement considéré comme une manière d’optimiser la redistribution de l’État providence. En effet, pour la première fois dans l’histoire économique, la révolution technologique en cours pourrait – parce qu’elle induit une automatisation et une robotisation quasi complète de l’économie réelle grâce à l’intelligence artificielle – ne plus être créatrice de nouveaux métiers pour les humains.

Ainsi, ceux dont les métiers seraient détruits ne pourraient plus retrouver de travail, et resteraient donc inactifs. Désoeuvrés, mais surtout précarisés. Si on en croit les pythies universitaires d’Oxford : 47 % des emplois seraient ainsi en danger d’ici à 2030. Surtout, l’inefficacité des États à réguler les marchés disruptés par le progrès technologique, et leur incapacité à adapter leurs systèmes éducatifs à la vitesse du changement amèneraient immanquablement à la mise à l’écart d’une grande partie des travailleurs.

Dans ce cadre, que faire de tous ces laissés pour compte ? La raison veut qu’on en prenne soin : d’où le retour de l’utopie de revenu minimum. Donner une sécurité financière pour garantir la subsistance de tous ceux qui ne pourraient pas s’intégrer au nouveau monde digitalisé.

L’idée fait sens. Mais comment la financer ? Bill Gates et toute une école de pensée provenant de la Silicon Valley pensent que les robots produiront plus et mieux, qu’ainsi les PIB doubleront, et que la production de valeur créée pourra alors être taxée pour financer le revenu minimum. D’autres, des économistes libéraux, pensent qu’il faut exclure certaines catégories de population du revenu minimum et retrancher tous les coûts associés aux programmes sociaux de ces revenus pour faciliter son financement. Le débat n’est pour le moment pas tranché.

La question de l’impact non plus ne l’est pas. Pour les uns, le revenu minimum va encourager la paresse, et amoindrir l’envie de créer de la valeur. Mais si l’on en croit l’expérimentation canadienne du Mincome des années 70, il n’en est rien : dans une ville du Manitoba, Dauphin, les 12 400 habitants ont bénéficié du revenu minimum, sans aucune restriction ni aucun quota.

Il en est ressorti quelques conclusions encourageantes :

  1. Les travailleurs de la ville ont continué de travailler, mais les plus “aisés” ont levé le pied pour mener plus d’actions sociales et familiales : aides aux enfants, aux handicapés, aux âgés…
  2. Les adolescents qui avaient quitté l’école tôt y sont retournés et ont été diplômés,
  3. Les hôpitaux, les médecins, les centres spécialisés ont connu sur la période de l’expérimentation une baisse de fréquentation.

L’ensemble de ces facteurs laissent ainsi entrevoir un “mieux-être” de l’ensemble de la population. On retrouve ce sentiment de mieux être dans d’autres expérimentations en Californie et au Kenya. Et si le revenu minimum n’était plus une utopie ?

Source : Article sur Les Echos « Quand la vrai utopie était le plein emploi » du 17 septembre 2017

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