De plus en plus de dépenses en R&D aboutissent à de moins en moins d’innovations, donc de moins en moins de bénéfices à venir pour les entreprises. Est-ce inéluctable ?

La dernière décennie a connu une croissance technologique sans précédent : l’arrivée du smartphone et sa myriade d’applications, la réalité virtuelle, les drones, la monnaie numérique, la génomique, la domotique et l’intelligence artificielle. Il y a maintenant toute une économie basée sur la connectivité et la mobilité qui n’existait pas il y a encore dix ans.

Paradoxalement, au cours de la dernière décennie, bien que l’innovation ait augmenté, la productivité globale et la croissance économique ont ralenti, oscillant à des taux annuels entre 1 % et 2 %. De plus, année après année, l’inégalité des revenus s’est accrue. Il y a donc bien un décalage entre les ambitions que portent les innovations et leur impact social.

Or, ce constat est en contradiction avec la norme économique où ordinairement la génération d’idées est productrice de valeur donc créatrice d’expansion économique. Le potentiel de croissance dans un pays était donc traditionnellement relié au nombre de chercheurs et de scientifiques, et à la capacité de générer de l’innovation.
Dernièrement, à l’été 2017, un groupe d’économistes du MIT et de Stanford a contesté le lien entre les dépenses de recherche et la croissance économique dans un document qui s’intitule : “Les idées sont-elles plus difficiles à trouver ?” Réponse oui, et en plus, elles coûtent de plus en plus cher. Ainsi, le coût des efforts de recherche est aujourd’hui – à dollar constant – 78 fois plus important que dans les années 70.
Les auteurs de l’étude ont étudié l’impact de l’innovation dans l’agriculture, en particulier en comparant les rendements du maïs, du soja, du coton et du blé avec les investissements en R&D pour améliorer la productivité des cultures. Résultat : les dépenses ont bien augmenté, tout comme les rendements, mais pas de la façon dont on pouvait s’y attendre. Alors que le rendement moyen a doublé entre 1960 et 2015, l’investissement annuel corrigé de l’inflation pour améliorer ces rendements a au moins triplé. Dans certains cas, pour certaines cultures, sur certaines années, l’investissement en R&D a été multiplié par 25. Les entreprises agricoles semblent dépenser de plus en plus en R&D, tout en en retirant de moins en moins de bénéfice.

De même, pour les sociétés cotées en bourse, les auteurs de l’étude “Idées” ont constaté que, pour générer le même taux de croissance annuel qu’il y a 30 ans, les entreprises devraient dépenser 15 fois plus en R & D qu’actuellement. Conclusion : les grandes idées – celles qui stimulent vraiment la croissance économique ou un changement du niveau de vie – sont de plus en plus difficiles à trouver et plus coûteuses que jamais.

Raison n° 1 : Les connaissances progressent. Pour être compétent dans de nombreux domaines industriels, cela nécessite aujourd’hui un investissement dans la formation nettement plus élevé qu’il y a une génération.

Raison n° 2 : Le coût de la recherche pure. L’équipement est aussi devenu plus coûteux. La main-d’oeuvre aussi. Il est de plus en plus difficile pour une entreprise de générer de nouveaux produits seuls du fait de la complexité scientifique.

En fait, il est tout à fait possible que nous approchions simplement de la fin des idées issues de technologies “simples”. Comme pour un champ pétrolier, nous aurions vidé les couches superficielles, nous amenant de facto à nous intéresser aux couches plus profondes : génomique, intelligence artificielle, réalité virtuelle. Mais dans ces trois cas, les nouvelles idées qui peuvent en découler coûtent cher du fait de la puissance de calcul requise, l’expertise nécessaire et le coût de la connaissance des spécialistes.

Après, comme pour l’industrie pétrolière, il y doit y avoir un “coût d’opportunité” pour développer telle ou telle technologie, tout comme il y a un moment d’investissement dans tel ou tel forage. La question est donc aujourd’hui : sur quelle technologie véritablement miser ?

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